Labbaye de Fontevraud a 900 ans
Construite du XIIe au XVIIIe siècle, labbaye de Fontevraud constitue le plus grand ensemble monastique de France et dEurope. Cette année, labbaye fête ses 900 ans dexistence. Loccasion de porter un éclairage sur ce site exceptionnel.
Naissance de Fontevraud
Le village de Fontevraud naît au début du XIIe siècle de la création de labbaye par Robert dArbrissel. En 1101, Robert dArbrissel, prédicateur itinérant, installe la troupe dhommes et de femmes qui laccompagne sur le site de Fontevraud.
» Cependant voyant augmenter la foule de ceux qui le suivaient, il décida pour éviter tout acte inconsidéré, et puisquil importait que les femmes habitassent avec les hommes, de rechercher un lieu où ils pussent vivre sans scandale et de trouver un désert, sil en rencontrait. Or il y avait un lieu, inculte et aride, planté de buissons épineux, appelé » Fontevraud » depuis des temps anciens. » Vie du bienheureux Robert dArbrissel par Baudri de Bourgueil, évêque de Dol.
Rapidement, il sépare les différentes communautés en quatre lieux. Les moniales de cur, peut-être 500, sont établies dans le Grand Moûtier, les frères dans le prieuré de Saint-Jean-de-lHabit, les » filles repenties » à Sainte-Marie-Madeleine et les lépreux à Saint-Lazare.
La population est alors placée sous lautorité de labbesse qui est détentrice du pouvoir civil. Vers 1170, le village devient une paroisse autonome et jusquà la Révolution, labbesse choisit le curé de la paroisse parmi les moines du prieuré Saint-Jean-de-lHabit.
Les événements de 1789 bouleversent le village qui retrouve sa stabilité sous Napoléon Ier. Après sept siècles de vie monastique, l Empereur transforme labbaye en maison de détention.
En 1963, les bâtiments sont remis aux Monuments Historiques. Depuis, labbaye est lobjet de campagnes de reconstruction de grande ampleur, et le site est animé depuis 1975 par le Centre culturel de l Ouest.
Les éléments fondamentaux de labbaye
Cas unique de cet ordre monastique, labbaye de Fontevraud regroupe en raison de limportance de la communauté quatre monastères sur un même site. Lorganisation interne de chaque couvent se calque sur le modèle bénédictin.
La fondation fontevriste sinscrit en effet dans un mouvement de réformes monastiques qui prônent le retour aux sources du christianisme. En loccurrence, il sagit de restaurer dans sa pureté initiale de la règle bénédictine formulée par saint Benoît au milieu du VIe siècle.
Labbatiale existe depuis lorigine du site, au XIIe siècle. Le chevet, récemment restauré, traduit clairement un parti de verticalité, marqué par la multiplication des contreforts, des colonnes et des colonnettes. Ce développement vertical, allié à une sobriété certaine dans la construction, est aussi manifeste à lintérieur.
La nef date aussi du XIIe siècle. Elle révèle une évolution dans larchitecture. Dès lentrée dans labbatiale, le contraste est manifeste entre la nef dapparence assez massive et modestement éclairée et le chur élancé où la lumière pénètre abondamment. Dans le projet initial de construction, la nef devait être simplement charpentée. Lérection ultérieure des quatre grandes coupoles, à limage de celles de la cathédrale dAngoulême, na été entreprise que lors dune seconde campagne de travaux. Fontevraud constitue ainsi lédifice le plus septentrional des églises couvertes par une file de coupoles.
Les gisants Planta genêts. Fontevraud a parfois été appelé » Saint-Denis des Plantagenêt « , bien que quelques membres seulement de cette illustre famille aient été inhumés dans labbatiale. Lévocation de Fontevraud évoque limage des quatre souverains exposés dans la nef. Ils représentent Henri II Plantagenêt, comte dAnjou, duc d Aquitaine et roi dAngoulême, sa femme Aliénor d Aquitaine, leur fils Richard Cur de Lion et Isabelle dAngoulême, femme de Jean sans Terre. Les trois premières sont en pierre, la dernière est en bois. Les sculptures ont été restaurées à Versailles en 1846. Toutes les quatre reposent sur un lit funèbre, les yeux baissés, vêtus dune tenue dapparat finement drapée.
Le couvent de Saint-Jean-de-lHabit regroupe les hommes. Commandés par un prieur soumis à labbesse, les prêtres assurent la célébration de la messe et ladministration des sacrements pour les moniales, alors que les frères laïcs assument les tâches manuelles moins gratifiantes spirituellement.
Le couvent de la Madeleine est destiné aux » filles repenties » et aux femmes mariées, veuves ou non, qui se retirent du monde. Ces femmes ayant lexpérience de la vie profane, à la différence des moniales du Grand-Moûtier, ont toujours eu la préférence de Robert dArbrissel.
Le cloître du Grand Moûtier abrite les moniales de chur. Il est considéré comme lun des plus grands dEurope. Bâtis en dur peu de temps après linstallation de la communauté fontevriste, les bâtiments conventuels ont été reconstruits au XVIe siècle, sur le noyau originel. Au XIXe siècle, lors de la transformation de labbaye en maison de détention, de nombreux aménagements sont réalisés. La plupart sont détruits après labandon de la prison. Il subsiste néanmoins encore la galerie supérieure du cloître qui assurait la distribution pénitentiaire du premier étage.
Le prieuré Saint-Lazare. Robert dArbrissel portait une attention particulière aux lépreux. La communauté chargée des soins de ces derniers est installée dans le prieuré Saint-Lazare bien avant le décès du fondateur. Les bâtiments en dur les plus anciens (léglise gothique, la salle du chapitre et le réfectoire) datent du règne dHenri II Plantagenêt. Le monastère fait ensuite lobjet de nombreuses reprises parmi lesquelles celle du XVIIIe siècle qui en remodèle lorganisation. Cest à cette époque que la léproserie est transformée en maison de repos pour les religieuses.
Labbaye aujourdhui
» Ces clochers, ces toits, ces cheminées, quon aperçoit au milieu des bois de Fontevraud, annoncent au voyageur la célèbre abbaye de ce nom, lune des plus riches quil y eût en France « . Jean-François Bodin, Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monuments, et ceux de son arrondissement, 1812.
Classée Monument historique par Prosper Mérimée en 1840, lancienne abbaye est devenue une prison. Mais ce nouveau statut provoque un mouvement progressif de restauration et de libération des premiers espaces pénitentiaires en faveur du » monument historique » : le cloître en 1860, le réfectoire en 1882, puis la tour dEvraud et léglise abbatiale au début du siècle.
A partir de 1963, les chantiers se succèdent. La démolition de lappareil pénitentiaire, le curetage des ensembles Saint-Lazare et Saint-Benoît, puis la restauration du haut-dortoir, du noviciat et du palais abbatial redonnent à labbaye de Fontevraud son ensemble originel.
Depuis 1975, au sein de labbaye, le Centre culturel de l Ouest. existe. Cette institution est destinée à défendre et promouvoir labbaye de Fontevraud, notamment par des outils multimédia.